Un conte arménien pour mieux comprendre l’âme arménienne 31 octobre, 2010
Posté par estermann dans : Comprendre l'ame du pays,Lire tout le journal , ajouter un commentaireLa mort de Kikos
- Viens, on se met à l’ombre d’un cerisier et raconte-moi. C’est un pays où toute de façon, on apprend malgré soi à prendre le temps.
- Un père a soif, sa femme demande à la cadette d’aller chercher de l’eau. La jeune fille va à la source pour étancher la soif de son père, elle lève les yeux, voit un bel arbre, un noyer aux beaux fruits encore verts. Aussitôt elle se met à rêver en regardant le feuillage :
- J’aurai un fils, que j’appellerai Kikos. Il grimpera à cet arbre pour cueillir quelques noix, il sera vigoureux et je l’aimerai.
Elle voit aux pieds de l’arbre un rocher pointu et aussitôt, son cœur se serre, elle se met à éclater en sanglots.
- Mon petit, mon tout petit est monté à l’arbre et il est tombé sur cette pierre.
Elle s’effondre et se met à pleurer la mort de son fils, de son tendre petit.
La mère ne voyant pas la cadette revenir de la source, demande à son aînée d’aller la rejoindre. Aussitôt qu’elle voit sa sœur, la jeune fille se met à crier.
- Ma chérie, pleure, pleure la mort de ton neveu.
- De quoi parles-tu ma tendre sœurette, je n’ai pas de neveu.
- Vaï! Vaï! j’ai eu un fils, que j’ai appelé du doux nom de Kikos, il est monté sur cet arbre pour cueillir quelques noix encore vertes et il est tombé sur cette pierre. Oh, ma chère sœur pleure avec moi la mort de ton neveu.
Et la cadette et l’aînée tombent dans les bras l’une de l’autre, en mêlant leurs larmes. La mère ne voyant pas ses deux filles venir, se rend aussitôt à la fontaine.
La voyant de loin, les deux sœurs l’appellent de leurs cris désespérés.
- Vaï! Vaï! notre mère adorée, viens pleurer avec nous la mort de ton petit-fils, Kikos jan.
- Quel petit-fils ? Je n’ai pas de petit-fils!
- Je me suis mariée, sanglote la cadette, j’ai eu un fils que j’ai appelé du doux nom de Kikos, il est monté à l’arbre pour cueillir des noix encore vertes, et il est tombé sur cette pierre. Viens, mère, pleurer avec nous la mort de ton petit-fils.
- Quel malheur! s’exclame à son tour la mère, qui se met à sangloter avec ses filles. Le père ne voyant personne revenir, va à la fontaine. Le voyant de loin, les femmes éplorées l’interpellent :
- Viens, viens, pleurer avec nous la mort de ton petit-fils.
- Mais je n’ai pas de petit-fils. La cadette lui fait le récit de la joie qu’elle a eu d’avoir Kikos et de la douloureuse perte qu’elle vient de subir.
- Mais que vous êtes sottes. Le père qui était le plus raisonnable de la famille dit :
- Il est inutile de faire notre deuil sous ce soleil ardent, allons au village et faisons pour apaiser notre souffrance un bel enterrement à notre Kikos adoré!
Ils rentrèrent au village, convièrent tous les habitants à un festin de deuil, sacrifiant le seul bœuf en leur possession, leurs dernières poignées de blé. Et enfin leur douleur s’apaisa.
- Drôle de pays tout de même, il m’exaspère, me prend par sa douleur et son aridité, par la chaleur, l’hospitalité illimitée de ses habitants, et me fait l’aimer malgré-moi.
- Tu reviendras donc?!
- Je reviens toujours. Quand je n’y suis pas, j’ai envie d’y aller, quand j’y suis, j’ai envie d’en repartir.
Le regard d’Ani Hamel sur… 28 octobre, 2010
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…l’équipe
En attendant la post-production, je laisse place au regard professionnel d’ Ani Hamel qui a été au coeur de l’équipe pendant dix jours, alors que moi je n’ai été qu’une observatrice indiscrète pendant ce tournage. Ainsi les prochains jours, je cèderai ma place à ceux qui ont vraiment été au coeur de l’action et je les remercie pour cette participation à mon modeste blog.
Quel plaisir de travailler avec une équipe, composée de personnes qui se rencontrent pour la première fois et qui vous donnent l’impression qu’elles ont déjà réalisé des dizaines de films ensemble.
Une équipe réactive, ingénieuse, efficace, qui sait contourner les difficultés, surmonter les obstacles, tels des acrobates agiles. Elle a une solution à tous les problèmes à toutes les catastrophes inattendues propres à un film d’auteur, à petit budget, et surtout avec un tournage à Gyumri, oublié du reste du monde.
Une équipe qui agit sans donner d’ordre, accomplit des tâches sans exiger de reconnaissance, remplit plusieurs fonctions pour aller plus vite, pour être dans les temps, pour faire un bon film.
Une entente parfaite, un fonctionnement digne d’une montre suisse, un respect du savoir faire de l’autre, une amitié naissante. Y aurait-il un langage universel du professionnalisme ? Oui !
Jennifer, Boris, Lévon, Alexis, Stéphane, Ugo, Vincent, Anne, vous avez toute mon admiration, pour votre conscience professionnelle,votre implication, votre détermination, mais aussi pour votre force de décision et d’adaptation, votre patience, votre sourire.
C’est un immense plaisir d’avoir fait partie de cette équipe où producteur, réalisateur, conseiller technique, opérateur, 1er assistant opérateur, ingénieur de son, scripte, œuvrent chacun, et tous ensemble, pour la réussite d’un film, mettant de côté leur ego, se pliant aux exigences du moments, aux conditions imposées…
Une histoire dans une autre, une aventure qui en cache une autre, une expérience qui mérite un film à elle seule.
Le regard d’Ani Hamel sur… 23 octobre, 2010
Posté par estermann dans : Le regard d'Ani Hamel,Lire tout le journal , ajouter un commentaire…l’attente
La Fée toucha de sa baguette tout ce qui était dans ce Château (hors le Roi et la Reine), Gouvernantes, Filles d’Honneur, Femmes de Chambre, Gentilshommes, Officiers, Maîtres d’Hôtel, Cuisiniers, Marmitons, Galopins, Gardes, Suisses, Pages, Valets de pied ; elle toucha aussi tous les chevaux qui étaient dans les Écuries, avec les Palefreniers, les gros mâtins de basse-cour et la petite Pouffe, petite chienne de la Princesse, qui était auprès d’elle sur son lit. Dès qu’elle les eut touchés, ils s’endormirent tous, pour ne se réveiller qu’en même temps que leur Maîtresse, afin d’être tout prêts à la servir quand elle en aurait besoin ; les broches mêmes qui étaient au feu toutes pleines de perdrix et de faisans s’endormirent, et le feu aussi. »
La Belle au Bois Dormant de Charles Perrault.
Le tournage n’est plus un bateau corsaire, mais le château endormi sous la baguette de la Fée Patience.
« Le Prince entre dans une chambre toute dorée, et il vit sur un lit, dont les rideaux étaient ouverts de tous côtés, le plus beau spectacle qu’il eût jamais vu : une princesse qui paraissait avoir quinze ou seize ans, et dont l’éclat resplendissant avait quelque chose de lumineux et de divin. Il s’approcha en tremblant et en admirant, et se mit à genoux auprès d’elle. »
Ibidem
Mais où donc est la Belle de notre château endormi? Là voilà! Elle est réveillée!
Silence, on tourne!!! Moteur, action!!!
Le regard d’Ani Hamel sur… 22 octobre, 2010
Posté par estermann dans : Le regard d'Ani Hamel,Lire tout le journal , ajouter un commentaire…Aïda
Voici une série de photos sur notre starlette, Aïda, alias Madame Galoyan, attend royalement son tour…
…robe de bal Scarlett et cigarette
…tigresse et cigarette…
Mais toujours si AÏDA…
Le regard d’Ani Hamel sur… 19 octobre, 2010
Posté par estermann dans : Le regard d'Ani Hamel,Lire tout le journal , ajouter un commentaire…les fils d’Ariane
Un enchevêtrement complexe de fils, tournage sous haute tension 10.000 volts dans un fil et un balai, l’insoutenable légèreté de l’âme arménienne, qui croit à la force du destin.
La caméra cherche son chemin, fils d’Ariane…
Le ciel d’orage est zèbré de fils…
Le regard d’Ani Hamel sur…
Posté par estermann dans : Le regard d'Ani Hamel,Lire tout le journal , ajouter un commentaire…le réalisateur Lévon Minasian
La définition dans le dictionnaire nous dit : maître incontesté des plateaux de cinéma.
L’idée que l’on se fait : un homme dur, froid, colérique, capricieux, injurieux, satisfait…Je dirais que Lévon Minasian est un extra-terrestre. Il est l’archétype même du réalisateur.
Après E.T., voici L.M. Également auteur de son film, il a choisi son équipe de tournage, ses comédiens, son décor, ses costumes… Il a fait confiance à ses collaborateurs, à ses amis.J’ai eu le plaisir de travailler à ses côtés sur son dernier film, «Le Piano». Un film d’auteur, tendre, et drôle. L.M. est comme son film, il porte des qualités humaines rares, l’honnêteté, le courage, la sincérité, l’amitié, la fidélité, la générosité, l’audace, la fantaisie… Il a une souplesse d’esprit, une force d’adaptation, une indulgence à toutes épreuves, une bonté surnaturelle.C’est un homme qui a su garder en lui l’enfant en éveil.
Premier jour de tournage. Ce n’est plus la même équipe, ni les mêmes comédiens, ni les mêmes costumes. Plus les mêmes collaborateurs, ni les mêmes les amis.
Il reste l’histoire, la détermination. L.M. y croit, il s’adapte, invente, transforme, re-écrit, dans la joie, dans l’humour, dans la sérénité, dans l’humilité propre à l’artiste qu’il est.
Il court partout, marteau et clou à la main, porte le piano à queue, ajuste la perruque de l’un, arrange le chemise de l’autre, réchauffe ceux qui tremblent de froid, tient un parapluie cassé sur ceux qui attendent sous le soleil, il s’inquiète du bien être de chacun, il est soucieux de ne blesser personne, toujours souriant, attentif, à l’écoute, prend tout sur lui et n’en veut à personne.
Merci Lévon de nous avoir offert ses moments de bonheur à Apolline, à moi, à nous tous qui ont fait partie de cette aventure hors du temps, et au public qui va découvrir ton œuvre.
Le 21 Juillet 2010
Ani Hamel
Lecture du scénario 18 octobre, 2010
Posté par estermann dans : Intermezzo,Lecture du scenario,Lire tout le journal , ajouter un commentairePour ceux qui n’ont pu écouter la lecture du scénario du film « Le Piano » faite au Festival International du Film d’Angers, et diffusée sur France Culture, il y a une petite séance de rattrapage. Il suffit simplement de cliquer ICI, si ça fonctionne.
Lévon répond aux questions du journaliste au parc de Sceaux.
Le scénario est en version française. Quand le film sera projeté, il sera en arménien avec des sous-titres.
La lecture à Angers a été filmée, voici les vidéos:
Vidéo 1/2
Vidéo 2/2
La post-production: Montage 4 octobre, 2010
Posté par estermann dans : Le montage,Lire tout le journal , ajouter un commentaire
C’est l’été, le soleil s’infiltre à travers les volets clos. En contrebas, la piscine est bleu lagon, les cigales entament leur long chant estival, non loin de Cannes.
Mais le réalisateur, enfermé dans la chambre obscure, ne fait pas la sieste, il scrute avec attention son écran.
Sur les 5 heures de rush, il a gardé 4 heures 30 pour l’Ours, un bout à bout d’images pas encore dégrossies, en vrac.
Le lecteur DVD se met en marche.
- C’est quoi, ça ! Le son n’est pas synchro !! gémit Lévon.
Au fil de la lecture, les mots se décalent de plus en plus. Sortant de la bouche des personnages, ils suivent leur propre chemin, la voix de Séroj sur les lèvres minces d’une voisine, le piano lui-même se met à jouer seul, à empiéter sur la partition d’un acteur. Les scènes émouvantes, tendres prennent un air comique.
- Ca commence bien…
Lévon prend un grand cahier et fait son montage sur papier en visionnant l’Ours sur son ordinateur après avoir resynchronisé le son follet, qui refusait d’entrer dans le cadre.
Septembre, Lévon est à Strasbourg dans un appartement du centre ville, des rangées de livres recouvrent le salon, un thé bio à la mixture exotique fume dans une grande théière, une femme aux cheveux blancs pianote devant deux écrans. C’est le montage de l’Ours.
- Je ne travaille pas le samedi, je vais au marché bio, désolée.
Dans le petit appartement strasbourgeois, la tension monte d’un degré. Le thé bienfaisant perd de ses vertus apaisantes.
- Mince ! s’exclame la monteuse.
- Que se passe-t-il ?
- J’ai perdu notre travail.
- Tu n’as pas enregistré?
- Si j’ai enregistré !
- Bah, alors ce qui est enregistré doit être quelque part.
- Je ne le retrouve pas.
Un des producteurs alsaciens, Alexis, passant par l’appartement strasbourgeois, tape rapidement sur le clavier et retrouve le travail de la journée.
Au gré des disparitions, des réapparitions, le montage avance avec la lenteur d’un escargot… une minute par jour. Lévon se sent prisonnier de la lenteur de sa monteuse, aucune possibilité de tester d’autres possibilités, de caler quelque chose de différent.
Lévon lance à son cher producteur, Boris, un SOS par SMS : – A ce rythme là, on ne terminera pas le montage à temps.
Boris lui répond à ce SMS lancé à travers les ondes électromagnétiques à haute fréquence :
- Tiens une semaine, je te trouve un monteur.
Lévon est inquiet, son film se ficelle mal. Le Producteur alsacien, Yanis, tranche.
- On ne peut pas continuer comme cela, on change de monteur.
Merci, merci aux producteurs pour le réalisateur, mais surtout pour le film. Car un réalisateur de toute façon doit souffrir pour accoucher de son film. Il ne manquerait plus qu’il le fasse dans la joie et la légèreté. Mais cette souffrance-là, cette lenteur, n’apportait rien au film, c’était une souffrance sans objet.
Une semaine après, avec Nicolas, dans le local d’une société de post-prod. Deux écrans d’ordinateur, et un immense écran télé pour visionner confortablement.
Les doigts rapides de Nicolas s’activent pendant qu’il échange ses impressions avec le réalisateur.
- J’aurais aimé prendre ce plan-là, mais c’est impossible, le camion s’en va et la voisine arrive trop tard, dit Lévon
- Rien n’est impossible…
Comme par magie le personnage trouve sa place à l’image, là, où il aurait dû être lors du tournage.
- Bravo, on monte.
Dans toutes les grosses productions, il y a un code entre bruiteurs et monteurs son, un privat joke, le Wilhelm Scream :
Nicolas place cet horrible cri de souffrance dans ce film paisible et charmant, où personne ne trucide personne. C’est à toi, humble spectateur de le trouver, d’être à l’affût de ce son caché lors de la projection.
A un autre endroit, Nicolas paye de sa personne, ou plutôt de sa voix, pour synchroniser un court moment, il parle en arménien !!! Chers Arménophiles, c’est à vous de repérer cet accent français, qui sur un très court échange, se mêle au parlé coloré des habitants de Gyumeri.
Le montage avance rapidement. Les sous-titres sont écrits, une semaine avant le terme prévu, le film progresse de 4 à 5 minutes par jour. Il reste donc une semaine pour affiner le travail après le visionnage par France2.
Première projection avec sous-titres, la femme et l’enfant du réalisateur sont là. La petite fille de 6 ans regarde le film. Elle voit Loussiné qui est sur le palier de sa domik, la nuit, quand elle lance un regard noir à Gagik, à celui qui voulait casser le piano.
- Loussiné, on dirait un fantôme, dit la fille. Première spectatrice, son regard est étonnant de lucidité.
- Il faut couper cette scène, c’est mieux sans ce regard, trop fixe.
Puis la toute petite voix se fait entendre à nouveau dans la salle obscure :
- Maman, dis, je ne comprends pas pourquoi il y a une bâche en plastique sur le piano.
- Il faut réduire la scène de la bâche, pour que le spectateur comprenne l’effet désiré, le gag, commente Nicolas.
Et voilà, comment un projet devient un film tendre, émouvant et drôle. Moi, qui suis ce projet depuis le début, de l’écriture au montage, j’ai ressenti une véritable émotion en découvrant le film dans sa totalité. La modeste courette, les poules qui gloussent, le cerisier, le visage parcheminé du grand-père, le sourire tendre et complice de Loussiné et la ronde des personnages hauts en couleurs autour du piano blanc. La culture, la beauté, la musique s’invitent pour alléger les lourdes chaînes du malheur, de la tristesse et du deuil. Ce petit film, dont le message a une portée universelle, rend tout simplement heureux.